Parmi les nouveaux venus dans le monde de la torréfaction, La Tasse Verte se démarque par la volonté de vendre un café « responsable » et respectueux de l’environnement. C’est justement la raison pour laquelle je me suis rapproché d’eux : aucune parole en l’air. Chez La Tasse Verte, pas de capsule : ils affichent fièrement le hashtag #nonauxcapsules, vous propose du café gratuit pour l’achat d’une machine à grain et leurs cafés sont issus de micro-lots, de plantations biologiques ou sont traités de manière à impacter le moins possible l’environnement.
La Tasse Verte se démarque également par leur système de souscription mensuelle (un phénomène encore timide en France) qui assure de recevoir de grands crus dans votre boîte aux lettres.
J’ai rencontré Anthony Seguin et Marc-Antoine Spriet, les deux créateurs de La Tasse Verte, pour une interview passionnante autour de leur activité et leur vision du café.
La Tasse Verte est un nouvel acteur du café, pouvez-vous nous faire un historique de votre activité ? Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans ce projet ?
Nous sommes deux à avoir créé La Tasse Verte et nous nous appelons Anthony et Marc Antoine. On se connait depuis l’enfance et surtout nous sommes deux « coffee addicts« .
On a beaucoup voyagé, chacun de notre côté.
Anthony: « J’ai toujours aimé le café mais j’ai vraiment découvert la culture café au cours d’un voyage en Australie. De retour en France, je me suis formé au métier de barista auprès de l’ancien champion de France Ludovic Loizon. Je travaille depuis dans un café pour parfaire mes connaissances et apprendre la torréfaction avec l’artisan torréfacteur avec lequel je travaille toujours, Michael Piacontino, et notre importateur qui possède un centre de formation. Je m’intéresse également à l’histoire du café et je collectionne les anciennes machines et moulins à café. »
Marc-Antoine: “Pendant 10 ans, je découvre, repère et hume tous les cafés torréfacteurs de NY et en particulier Brooklyn, et je suis fasciné à la fois par la simplicité et la complexité du café révélant des goûts uniques et subtils. Entre NY, Séoul et Paris, j’enrichis ma connaissance des cafés et de leurs différences et particularités. »
Nous nous retrouvons tous les deux à New York et évoquons un projet commun. Nous remarquons qu’à ce moment, le café de spécialité n’est pas encore assez représenté en France, surtout pour les méthodes douces (café filtre, cafetière piston…). On pense au café vert qui est utilisé avant la torréfaction puisque avant d’être torréfié, le café est vert et il brunit pendant la cuisson. C’est alors que l’on imagine notre logo, une tasse verte qui pourrait représenter le café vert naturel mais également le côté « eco-friendly ». D’où notre idée d’associer qualité de production et de dégustation.
Derrière le modèle économique de La Tasse Verte se cachent plusieurs profils de clients : les passionnés de cafés, les experts, les entreprises, les restaurants,… Si on exclut les capsules (dont nous parlerons plus bas dans cette interview), quel regard portez-vous sur la consommation de café en France ? Y-a-t-il une tendance qui se dessine, en milieu domestique comme professionnel, pour le café de « qualité » ?
Aujourd’hui on a quelques multinationales qui contrôlent la quasi totalité du café vendu en France. Ces derniers torréfient le café vert tellement fortement et rapidement, selon une méthode dite « flash », que le café est brûlé et perd toutes saveurs gustatives, il n’y a aucun développement aromatique.
Elles utilisent cette technique pour torréfier un café de très mauvaise qualité et cela permet en plus d’éliminer des brindilles ou autres résidus qui auraient dû être triés avant, sans parler de l’ajout d’eau en fin de cuisson pour ajouter du poids. Ceci amène au tristement célèbre « café-verre d’eau » pour faire passer le goût du mauvais café…
Le plus gros défi pour nous est d’informer sur ces cafés de spécialité pour redonner ses lettres de noblesse à ce produit exceptionnel et changer les habitudes de consommation. Le café avec plus de 800 arômes est très comparable au vin, pourtant la majorité des Français n’achèteraient pas un vin où il serait marqué seulement « Vin de France » sans autre indication et bien dans le café c’est encore trop souvent le cas.
Nous notons tout de même une amélioration de la qualité des cafés avec l’expansion du café de spécialité et avec l’ouverture de nombreux coffee shops partout en France ainsi que l’introduction des cafés de spécialité dans les restaurants étoilés. Les grands chefs ont compris que le café était le « dernier plat » pour les clients et qu’il était important que la qualité soit là du début à la fin.
Depuis 2018, la création du titre de meilleur ouvrier de France en torréfaction montre bien l’importance de l’artisan torréfacteur et du café de qualité dans notre pays.
Vous proposez notamment un abonnement mensuel, un principe que l’on voit encore rarement chez les torréfacteurs. Vous annoncez un café différent chaque mois, de spécialité et plutôt (très) bien noté, livré à domicile et le tout avec un tarif plus que correct pour une poche de 200g (au minimum). Quelle est votre recette magique ?
La plus grande fierté, c’est d’avoir réussi à proposer un produit que nous aimons, un produit de qualité dont la production et le traitement respectent le consommateur comme le cultivateur.
Pour être compétitif, nous n’avons pas de boutique physique donc moins de charges, nous sommes deux et nous gérons quasiment toutes les étapes (sélection du café vert, torréfaction, conception des designs et fiches explicatives, emballage et dépôt au centre postal).
Votre abonnement garantit-il un café différent sur les 12 mois de l’année, ou revient-on à des cafés « phares » de votre sélection ? A ce propos, comment se passe le sourcing et la découverte de nouveaux cafés ; c’est un travail quotidien, ou vous le faites périodiquement ?
Effectivement nous proposons un café différent chaque mois, nous travaillons aussi sur des assemblages maison avec les cafés que nous proposons.
Le sourcing, c’est une relation de confiance avec nos importateurs qui sélectionnent en amont des cafés de très haute qualité dans les pays producteurs. Le dialogue est primordial avec eux pour avoir une première approche du café. Il y a ensuite un choix à faire qui passe par de la dégustation (cupping) et en fonction du résultat en tasse nous sélectionnons plusieurs cafés et cela plusieurs fois l’année.
En parlant de café de spécialité, je ne vois que des beaux noms sur votre site. Si vous deviez n’en choisir qu’un seul, quel serait-il et pourquoi ? Y-a-t-il également un café que vous rêveriez de pouvoir proposer à vos clients ?
Pas facile comme question car nous sélectionnons uniquement des cafés que nous aimons ! Mais si je devais en choisir un, je dirais l’Ouganda Kapchorwa car c’est un micro lot issu d’un pays relativement peu connu du monde café, pourtant il a tout d’un très grand café, il rivalise sans problème avec de grands Kenya. C’est aussi notre rôle de mettre un peu plus en lumière un pays grâce à son terroir et ses agriculteurs.
Pour la deuxième question, nous rêvons de pouvoir proposer dans notre abonnement un Geisha du Panama qui propose une tasse d’exception avec des notes de jasmin et de fruits rouges mais les prix pour ce type de café sont assez élevés et nous voulons que nos cafés restent accessibles pour le plus grand nombre.
Un des aspects de la qualité de votre café que vous soulignez est le délai entre la torréfaction et la livraison le plus court possible. Pouvez-vous expliquer comment vous jonglez entre la torréfaction, les commandes, les envois et les stocks pour assurer ce délai de fraîcheur ? Quelles sont les spécificités d’un torréfacteur « en ligne » par rapport à un torréfacteur en boutique ?
Il n’y a pas vraiment de différence entre une boutique en ligne et une boutique traditionnelle, grâce à l’abonnement nous pouvons facilement quantifier les quantités pour les mois suivants. Tout comme un torréfacteur en boutique connaît ses quantités vendues et anticipe les commandes de café vert à venir.
Le système d’abonnement permet d’établir assez précisément les dates de torréfaction ainsi que les quantités sans avoir de stock important de café torréfié, c’est ce qui nous permet de garantir une fraîcheur optimale. En gérant toutes les étapes du processus nous ne sommes pas dépendant d’intermédiaires cela nous permet d’être hyper réactifs même si cela nécessite énormément de travail.
Impossible de terminer cette interview sans parler du hashtag #nonauxcapsules. Il parle pour lui-même et pourtant, le combat café de spécialité VS capsule paraît (malheureusement) perdu d’avance, non ? Quelles actions concrètes peut-on mettre en place, notamment à grande échelle ? Parlez-nous de votre engagement.
Aujourd’hui le mot écologie est partout et il y a une prise de conscience massive sur l’importance capitale de préserver notre planète.
Il est indéniable que toutes les capsules, recyclées ou non, ont un impact sur l’environnement. Déjà pour obtenir des capsules il faut extraire de l’aluminium et donc utiliser des produits polluants. Une capsule recyclée nécessite de passer obligatoirement par un centre de recyclage ce qui suppose une utilisation d’énergie pour l’acheminement et le traitement ainsi que des rejets de pollution rien que pour le recyclage.
Dès lors, l’utilisation à usage unique de la capsule à café reste un non sens écologique.
En 10 ans, plus de 80 milliards de capsules à café ont été produites dans le monde. Si vous les placez l’une à côté de l’autre en ligne droite, elles s’enrouleraient autour de la Terre entière… 74 fois !
Aujourd’hui en 2019, moins de 20% des capsules à café sont recyclées alors que les enseignes de ces capsules avaient promis d’augmenter ce chiffre à 75% en 2013, il y a 6 ans !
Il faut comprendre que le recyclage de ces capsules ne signifie pas qu’elles deviennent de nouvelles capsules à leur tour. Seulement un seul centre dans toute l’Europe transforme une partie de ces 20% de capsules à café en canettes ou vélos ! Il faudra donc toujours extraire ou produire des matières à utilisation unique.
Nous essayons au quotidien de faire passer le message avec des publications fortes et des articles mais nous sommes des petits faces à des géants au budget quasi illimité.
L’action qui pourrait faire vraiment changer les choses serait clairement une taxation plus élevée pour les capsules, dosettes et tous les emballages à usage unique qui bénéficient du même taux de TVA qu’un paquet de café classique.
En les pointant du doigt avec une taxe plus élevée nous pensons que les consommateurs peuvent changer d’avis sur les capsules et revenir à des méthodes beaucoup plus saines.
Vous pouvez retrouver les produits de La Tasse Verte sur leur site web officiel et leurs abonnements à partir de 8,90€ / mois pour 200g.