Si la recherche du meilleur grain de café occupe notre quotidien, on en oublierait presque que l’eau est tout aussi, voire plus importante pour la qualité finale de la tasse. Le barista mondialement reconnu et spécialiste de l’eau Maxwell Colonna-Dashwood répond à nos questions autour de son produit à succès : la carafe filtrante Peak Water.
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Commençons par évoquer un des plus grands ennemis d’une tasse de café de qualité : la dureté de l’eau. Peux-tu nous expliquer ce que c’est et son impact sur le goût de notre café ?
La dureté peut se référer à plusieurs choses, mais pour beaucoup de monde, cela signifie la présence de calcium et de bicarbonate qui se combinent pour créer du calcaire. Un peu de calcium est préférable et ne deviendra pas calcaire sans le composant carbonate. Du point de vue de la saveur, le bicarbonate a le plus gros impact. Il neutralise l’acidité du café. Il en faut un peu bien sur, mais presque toutes les eaux moyennes/dures en ont déjà beaucoup trop. Il donne au café un goût fade, terne et plat.
Historiquement parlant, quand les premiers baristas et professionnels du café ont-ils commencé à s’intéresser à l’eau ? N’est-ce pas un des piliers de la 3ème vague ? De ton côté, as-tu fait attention à l’eau avec laquelle tu préparais ton café dès tes débuts dans le métier ?
Je pense qu’on peut dire que l’eau avait peu d’importance au début de la troisième vague, ce qui peut paraitre surprenant maintenant. Mais l’eau est difficile à comprendre et à contrôler et je pense que ça explique pourquoi cela a pris plus de temps. Quand j’ai commencé dans le café, il y avait déjà des systèmes de filtration. Les gens savaient que c’était important pour l’équipement et la qualité, mais on ne savait pas exactement pourquoi une eau donnée donnerait un goût de café si différent. En 2013, James Hoffmann m’a précisé s’intéresser à l’eau et comment elle pouvait influencer le gout du café.
A cette époque, l’industrie se basait sur la lecture en ppm mais j’avais remarqué que deux eaux avec le même ppm donnaient un café au goût très différent. C’est à ce moment que le voyage dans la science de l’eau a vraiment commencé, mais bien sûr, cela n’aurait pas été possible sans collaborer avec le chimiste Christopher H. Hendon qui était alors un de nos clients.
Pour aider au contrôle de la dureté de l’eau, tu as lancé avec succès une campagne KickStarter pour le Peak Water. Fin 2020, alors que de nombreux projets de crowdfunding dédiés au café sont tombés à l’eau, le Peak Water est toujours là. Comment expliquer ce succès ?
C’est clairement un énorme défi de mettre sur le marché un produit qui doit être fabriqué à partir de zéro. Bien sûr, la campagne Kickstarter a été incroyable et le soutien fut excellent, mais la vérité est que les campagnes de financement participatif couvrent rarement le coût nécessaire pour mettre un projet sur le marché. Innover est vraiment difficile et même avec une bonne planification, on ne peut pas vraiment prévoir tous les défis à venir. De fait, nous étions en retard sur notre planning et avons dû solliciter un financement auprès du gouvernement britannique pour mettre le produit sur le marché. C’était un prêt qui équivalait à 4-5 fois ce que nous avions levé sur Kickstarter ! La torréfaction de café Colonna a également soutenu le projet avec des ressources, des personnes,… Cela a été une vraie épopée, mais c’est incroyable de le voir sur le marché !
Peak Water fait une promesse : ajuster les paramètres du filtre selon les tests (en amont) de l’eau du robinet, et pouvoir préparer un café où que l’on se trouve. Cette versatilité fait-elle la différence avec d’autres carafes du marché ?
C’est vrai. Avant Peak Water, pour ceux qui font leur café chez eux, il n’y avait pas vraiment de choix. Les systèmes installés dans les coffee shops sont eux réglables depuis longtemps. Cela provient principalement du fait qu’entretenir des machines espresso est très couteux. De nombreux clients achetaient de l’eau en bouteille pour essayer d’obtenir un café de qualité, comparable à celui servi dans les coffee shops. Ensuite, après la sortie de notre livre dédié à l’eau dans le café, il est devenu un peu plus courant (quoique geek) de faire sa propre eau en y contrôlant les sels minéraux.
Les carafes filtrantes sur le marché sont assez limitées et tendent vers un goût unique, donc l’eau douce est sur-filtrée et l’eau dure et sous-filtrée. J’ai toujours aimé à quel point une carafe d’eau était un objet très accessible, d’où mon idée : obtenir une filtration réglable du café, dans le format pratique d’une carafe.
Comparé à l’eau en bouteille, ou même à un propre système de filtration à domicile, Peak Water est une solution économique (un filtre durant plusieurs dizaines de litres). Penses-tu que le coût pèse beaucoup dans la balance lors de l’achat ?
Peak Water, même dans les zones où l’eau très dure, est plus économique et durable que l’eau en bouteille. Ce n’est pas aussi bon marché que d’utiliser une carafe plus traditionnelle, mais parmi les options vraiment efficaces, c’est clairement la plus économique.
Peux-tu expliquer concrètement comment fonctionne le filtre contenu dans la carafe ? Peu-on dire qu’il « retient » les éléments qui donneraient mauvais goût à l’eau ?
Le système a effectivement deux chambres. La grande chambre contient elle-même une double chambre ionique, ce qui signifie qu’elle peut littéralement déminéraliser l’eau et tout en retirer. La deuxième chambre est uniquement en carbone. L’idée est qu’en contrôlant la quantité d’eau qui passe par la chambre carbone, vous pouvez y laisser plus ou moins de minéraux. Le carbone élimine les arômes indésirables et réduit considérablement le chlore. Tous les filtres sur le marché ont tendance à contenir uniquement du carbone pour nettoyer l’eau, mais il est plus difficile d’en extraire les minéraux et c’est à cela que sert la chambre principale.
Les paramètres du Peak Water changent-ils selon le café que j’utilise ? De même, doit-on modifier ces paramètres selon l’extraction (espresso, slow coffee,…) ? Quels sont les astuces que tu pourrais donner dans ce sens ?
C’est l’une des choses les plus intéressantes à propos du Peak Water – la possibilité de modifier l’eau litre par litre. En règle générale, nous recommandons une eau plus douce pour le filtre que l’espresso. L’espresso a un rapport eau / café moulu moins élevé, ce qui signifie qu’il y a beaucoup plus d’acidité et de concentration de café. Pour le slow coffee, une eau légèrement dure fonctionne bien, mais attention car un café filtre est très dilué et nécessite moins de dureté, sinon il aura un goût plat. J’aime prendre le réglage le plus doux pour une variété très florale comme le Gesha. Mais l’idée est de permettre à l’utilisateur de jouer avec les réglages selon ses préférences.
Sur le site du Peak Water, plusieurs outils de test de l’eau sont proposés ? Quels sont-ils et en quoi peuvent-ils améliorer l’utilisation du Peak Water ?
L’idée de ces outils est que si vous voulez aller plus loin dans le test de votre eau et l’exploration des résultats, la bandelette de test fournie dans la boîte du Peak Water ne sera pas suffisante car elle sert uniquement pour configurer votre carafe. Un compteur TDS peut vous donner quelques indications mais ça ne vous dit pas tout. Un kit de test KH mesure le bicarbonate. C’est la même chose que la bandelette de test, mais il peut être utilisé plusieurs fois.
Un des autres aspects intéressants réside dans le fait qu’on peut recycler ses filtres (pour l’instant juste au Royaume-Uni), ce qui est un point fort notamment vis-à-vis des bouteilles. Est-ce un des points noirs des autres solutions de filtration ?
Effectivement, nous avons intégré très tôt le recyclage comme un de nos concepts de base. Nous travaillons avec des partenaires du monde entier pour mettre en place des programmes de recyclage dans les coffee shops. Les carafes sont beaucoup plus durables que l’eau en bouteille à cet égard, même sans le recyclage, vous utilisez un récipient en plastique pour 50 fois la quantité d’eau par rapport à une grande bouteille. Je pense que les carafes à eau peuvent être une option très durable et nous continuerons à travailler dans ce sens.
Quelles évolutions ont reçu la carafe et le filtre depuis la première version ?
Le vrai défi était de faire couler l’eau correctement, à la vitesse et au volume corrects. La dynamique de l’eau est assez complexe. Une fois que nous avons résolu cela en changeant des choses comme les trous d’entrée et de sortie, la taille,… le défi suivant a consisté à sceller correctement les pièces en plastique. C’est étonnamment difficile car l ‘eau va toujours chercher à emprunter la voie la plus rapide, donc même un petit problème peut devenir très complexe !
En parallèle à la précédente question, sur quels aspects pouvez-vous encore vous améliorer ?
Notre principal objectif à court terme est de continuer à travailler sur les pièces d’assemblage, afin d’améliorer la qualité de la carafe. L’année prochaine, nous lancerons de nouvelles pièces à remplacer sur la carafe telles que le couvercle, le bec de versement et le cadran de réglage. Tous les clients recevront ces nouvelles pièces gratuitement. Nous travaillons également sur l’efficacité du filtre et la réduction du nombre de composants pour moins d’impact environnemental. Nos filtres devraient devenir plus efficaces et durables en 2021.
Peak Water est avant tout un appareil domestique. As-tu pour projet de développer d’autres outils dédiés aux coffee shops ?
C’est une bonne question et nous y avons clairement réfléchi. Ce serait une évolution naturelle, même si en ce moment, nous travaillons essentiellement sur l’amélioration du Peak Water et les partenariats avec les coffee shops et les centres de recyclage. Mais voyons ce que l’avenir nous réserve…
On ne peut finir cette interview sans mentionner le projet « Waterfall », que Peak Water supporte. Peux-tu nous en dire un mot ?
Absolument. Project Waterfall est un projet incroyable qui nous passionne et que nous suivons depuis un certain temps déjà. Le projet a récemment pu se concentrer directement sur les communautés rurales de caféiculture africaine, en apportant de l’eau propre et des infrastructures dans les régions. L’eau est importante à tous les niveaux de la chaîne du café.
Notre projet se concentre sur le fait de donner un bon goût au café, mais l’eau est également un privilège humain de base. J’aimerais souligner que le terme Peak Water se réfère également à la crise mondiale émergente de l’eau et nous voulons, depuis nos débuts, atteindre des sommets (« peaks ») pour contribuer à des projets d’eau potable avec 1% de nos ventes qui vont directement au projet Project Waterfall. Nous espérons être en mesure de soutenir de plus en plus cette ONG au fur et à mesure de sa croissance.
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