David Serruys, président du Collectif Café, principale fédération des professionnels du café en France, revient avec Café Mag sur la situation hautement difficile que traversent de nombreux torréfacteurs et coffee shops après une année 2020 chaotique. La filière café est en grand danger, explications.
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David, la dernière fois que nous nous étions parlés, la situation était un peu plus agréable : l’organisation du Paris Coffee Show 2019. Tout a changé et tu lances un cri d’alarme sur la situation de la filière café. Que se passe-t-il concrètement ?
La filière est mise à mal, et en voici quelques chiffres : perte du chiffre d’affaires de 35% depuis début 2020 et pour les torréfacteurs qui ont un modèle économique basé sur le CHR, perte de 90% du chiffre d’affaires pendant la période de confinement. 98% des entreprises ont fait appel au chômage partiel et 18 000 emplois sont menacés, sans compter les gels des investissements pour les 2 ans à venir.
Un des axes principaux du problème est donc la fermeture des Cafés, Hôtels et Restaurants (CHR) qui impacte les ventes des torréfacteurs. À part la réouverture, probablement courant janvier, quelles solutions existent ? S’orienter sur le B2C – est-ce une situation viable sur le long terme ?
Nous pensons que la réouverture ne se fera même pas au mois de janvier 2021 au vu de la situation sanitaire. La survie des entreprises de notre filière passera par la démultiplication des canaux de distributions : magasins, digital, entreprises, GMS (grande et moyenne surfaces) et bien entendu le CHR. De fait, pour le B2C, les consommateurs individuels peuvent également aider les professionnels de café en continuant à consommer du café de qualité.
Qu’en est-il de la situation des coffee shops, qui font aussi face à des restrictions importantes (ventes à emporter, salles fermées) ?
Les coffee shop souffrent énormément eux aussi, face aux fermetures administratives. La vente à emporter ne représente qu’un faible pourcentage du chiffre d’affaires. Ils tentent de survivre grâce aux aides qui sont octroyées par le gouvernement mais l’avenir est incertain comme ailleurs.
Y a-t-il des secteurs du café qui ont moins souffert de la crise ? Et quelles en sont les raisons ?
Les secteurs de la GMS sont en légère hausse avec une progression de 2% sur N-1 sur le 1er semestre 2020. La raison ? Pendant les périodes du confinement, le consommateur a concentré ses achats auprès du secteur de la grande distribution.
Quelles actions a mené le Collectif Café depuis le début de la crise sanitaire ?
Depuis le 16 mars, en partenariat avec le Syndicat du café et la Navsa, nous avons mené des actions parlementaires pour être attachés à la liste S1 bis (secteurs connexes) et nous avons été entendus à compter du 2 novembre 2020, avec l’introduction de la notion de « fabriquant alimentaire » lorsqu’au moins 50% du CA est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de la restauration ainsi qu’un fond de solidarité, des exonérations de charges sociales et 0% restant à charge pour le chômage partiel.
Nous avons démultiplié les lives sur Instagram afin de rester en contact avec la filière et pour développer différents sujets sur la durabilité, sur l’éco-responsabilité, les sujets sociaux,… Nous avons lancé un cri d’alarme avec le mouvement #lecafequicrackkk.
Quelle est la situation du café chez nos voisins ? Tes homologues des différentes fédérations étrangères du café font-ils face aux mêmes problèmes ?
Malheureusement, nos voisins sont dans la même situation, même si à ce jour nous n’avons pas de chiffres précis.
La crise a-t-elle entrainé une certaine prise de conscience chez les professionnels du café ? Peut-on s’attendre, par exemple, à une remise en question sur les modes de production, de vente, de communication, dans le futur ?
Évidemment, la crise a entrainé une prise de conscience chez les professionnels café : on ne peut plus dépendre d’un seul secteur d’activité, il faut diversifier nos secteurs d’activité pour assurer notre développement et la pérennité de nos entreprises.
Nous sommes conscients qu’il faut maintenir autant que possible nos contrats de cafés auprès des 25 millions de producteurs dont 80 % produisent sur moins de 5 hectares. Bien sûr, cela n’est pas simple, n’ayant aucune visibilité sur l’avenir, il s’agit surtout d’éviter d’accentuer la précarité pour certains producteurs.
En guise de dernier message positif, peut-on déjà se donner rendez-vous pour le Paris Coffee Show fin 2021 ?
Le Paris Coffee Show aura lieu début septembre 2021 sous un format hybride (présentiel/virtuel) sans oublier les Journées du Café où le Pérou, pays producteur, sera mis à l’honneur (pour le bi-centenaire de l’indépendance du Pérou 28 juillet 1921).
Je me réveille tous les matins en me posant une question : comment vais-je sauver mon entreprise ? puis-je maintenir tous les emplois ? jusqu’à quand ? Si je fais un état des lieux, en 2020 les CAFES PROQUA ont dû faire face à une perte de CA de Plus de 30%. La perspective 2021 n’est pas réjouissante. Une perte du CA de 35% par rapport à 2019, je vais devoir me résoudre à congédier 3 de mes collaborateurs sur une équipe de 9 personnes soient une perte de 30 % de mes effectifs. 70% du CA des Cafés Proqua est lié aux activités auprès du CHR donc de la consommation Hors domicile.Mon métier est une passion, une transmission, une mission : celle de donner du plaisir aux gens en dégustant un arabica, en faisant découvrir une origine, en parlant café de la cerise à la tasse. Mon rôle en tant que président du Collectif Café est de FEDERER, RASSEMBLER. Aujourd’hui plus que jamais ce sont mes mots d’ordre.
David Serruys, torréfacteur à Boulogne-sur-Mer (62)et président du Collectif Café
Toutes les informations sur les actions menées pour la filière café face à la pandémie sont à retrouver sur le site officiel du Collectif Café.